Frise animation

Kaena la Prophétie Kaena la Prophétie de Chris Delaporte, Studio Xillam
Sortie française : 4 juin 2003
"Le premier long-métrage d'animation de synthèse français"

l'affiche du film Enfin ! Enfin un premier long métrage d'animation infographique français. Et il était temps. Depuis ce temps que la France est reconnue pour former des artistes de qualité qui s'exilent aux Etats-Unis... Mais est-ce que pour autant ça en fait un film excellent ? Malheureusement, la réponse n'est pas immédiate. Je veux bien que l'on me dise que le résultat est largement à la hauteur d'un budget réduit et d'un chemin rempli d'embûches, mais est-ce que ça suffit pour trouver un film bon ? Je ne crois pas. A vrai dire, Keana est un film assez surprenant.

Surprenant parce que l'excellent y côtoie le nettement moins bon. Certes il est vrai que j'ai personnellement plus accroché sur le rendu des vers, des êtres de sève ou du vieil extraterrestre que sur celui des humains. Mais ce choix, visant sans doute à sortir de l'escalade du 'plus photo réaliste que toi' enclenché par un Final Fantasy et suivie par un Matrix 2 (qui veut nous faire croire - est-il besoin de dire à tort ? - qu'on ne fera pas la différence entre l'homme et le double virtuel), j'ai trouvé que ces humains manquaient, du coup, d'humanité dans un regard comme on avait pu en trouver chez des Shrek ou Toy Story pourtant sans prétention de fort photoréalisme. Ce alors que la magie fonctionne parfaitement pour les vers, hommes de sève ou extraterrestre. De plus, l'animation des mouvements des personnages humains est nettement moins fluide qu'un Final Fantasy, et, avec ce problème des regards, on s'accroche difficilement aux humains. Parfois, il semble que l'animation fut traditionnelle, sans la motion capture qui aurait pu donner le petit coup de pouce d'humanité qui aurait fallu.

Et puis, il y a l'incompréhensible. A deux ou trois moments, l'animation qui se fige en une sorte de ralenti que l'on hésite à placer dans les 'Ils auraient pu acheter des ordinateurs un peu plus puissants quand même' ou dans un hommage au stop motion époque Harryhausen, voire O'Brien. Et ce alors que parfois l'animation est parfaitement exécutée ! Surprenant.

Dans les autres défauts, il faut reconnaître que l'histoire dont on hésite à dire si elle est complexe ou juste mal développée, possède quelques points litigieux. En tout cas, la cible n'est visiblement pas la même que Disney ou autres Pixar, puisque visant manifestement plutôt la tranche adolescente que la tranche enfants. On peut aussi regretter des clins d'oeils un peu gros comme un ver parlant 'des milliers de formes de communication' ou un design un peu alienisant des êtres de sève. La ligne principale du récit est plutôt intéressante quoi qu'avec une légère impression déjà vue, mais il est conseillé de s'y plonger dès le début, avec une introduction un peu destabilisante, sans quoi rentrer après-coup dans le film risque de ne pas être évident.

Mais le point fort de Kaena, le point ultra-fort, c'est incontestablement le travail des lumières. Dignes d'un long métrage elles laissent apparaître un vrai travail et un vrai soin de la lumière. Tout en révélant un décor très beau bien qu'assez simpliste, elle est sublime quand elle s'utilise avec les êtres de sève, dont chacun des passages est tout simplement magnifique. Ces derniers en prennent nettement plus d'ampleur et de charisme. Une raison suffisante en tout cas pour aller voir le film car si le reste du film est, il faut bien l'avouer, assez 'déjà-vu', l'utilisation de la lumière vaut largement le déplacement.

Alors Kaena sera-t-il prophétique d'un cinéma d'animation français qui sort de son complexe et s'affiche enfin sur les écrans ? Le nombre projets en préparation et en cours de sortie semble indiquer que oui pour la quantité et l'audace. Pour la qualité, Kaena nous indique en tout cas une chose : oui il y a parfois quelques aberrations dans une animation dont on pourrait attendre mieux au vu de la qualité des artistes français en ce domaine, mais ce film est quand meme particulièrement beau.

Et c'est là qu'est la force graphique des français en animation : si les japonais ou les américains ont des années d'avance dans l'animation ou l'écriture avec leur expertise du dessin animé, la France, comme la plupart de ses voisins européens, a quant à elle beaucoup plus d'années d'avance dans l'art graphique à travers par exemple la peinture, l'architecture ou la bande dessinée.

Alors, Kaena prophétique ? Je ne sais pas. Mais un beau miroir actuel de l'état de l'animation informatique française. Un beau miroir qui attise le rêve d'un grand studio d'animation infographique européen pouvant lutter sans complexe contres les géants américains et japonais.

Ah ? On me dit que Matrix 2 est un film et non un film d'animation ! Ah bon ? Mais alors ? La menace fantôme c'est quoi ? Emeric

Kaena, un beau miroir de l'état de l'animation informatique française.