Roy Disney et Fantasia 2000

 

D'après la légende, Disney avait imaginé Fantasia comme une suite de séquences reflétant les évolutions techniques, esthétiques et musicales de l'époque. Son projet était de ressortir le film tous les cinq ans environ, en remplaçant l'une des huit séquences. Ainsi, chaque sortie de Fantasia serait autant l'occasion de revoir les séquences classiques que d'en découvrir une nouvelle, plus en prise avec son temps. Si Fantasia est ressorti plusieurs fois depuis 1940, avec des améliorations techniques nombreuses (et notamment un ré-enregistrement complet de la piste sonore), jamais une séquence du film n'avait été modifiée.

Comme pour rattrapper le temps perdu, et pour faire entrer la légende Fantasia dans le nouveau siècle, l'équipe de Disney a décidé, il y a trois ans, de remplacer 7 des 8 séquences initiales par des oeuvres nouvelles, réalisées dans des styles et des techniques variées et différents.

De l'animation classique à la 3D, du réalisme à des formes graphiques plus ésotériques, c'est presque un tout nouveau Fantasia que nous découvrons donc aujourd'hui. Paradoxalement, la seule séquence concervée de l'original (et restaurée grâce aux dernières techniques numériques) est la première qui fut réalisée en 1938, l'Apprenti Sorcier, supervisée par Fred Moore, Joe Grant et Ugo d'Orsi, et qui devait n'être au départ qu'une "Silly Symphony" parmi d'autres.

Comme pour Fantasia, certains se laisseront porter par la magie de certaines séquences, la perfection technique de certains effets et l'ambition du propos. d'autres y trouveront probablement une oeuvre plus inégale, ce qui est somme toute inévitable pour un film composite stucturé autour de différentes réalisations individuelles.
Mais le rêve est bien là, et vous ne résisterez pas aux facéties des flamants roses et aux harmonies en bleus de la guest-star George Gerchwin seul personnage caricaturé du film, penché sur son piano pour mieux nous emporter dans sa rhapsodie magique.
Serge Bromberg.

Roy Edwar Disney, président d'honneur du festival 2000, poursuit depuis 23 ans l'oeuvre de son oncle Walt. Il est actuellement vice-président de la Walt Disney Compagny et président de Walt Disney feature animation. Honoré par l'invitation d'Annecy, il est venu défendre Fantasia 2000, projet auquel il s'est consacré durant dix ans.

Pour Fantasia 2000 avez-vous d'abord cherché des histoires ou des musiques ?
Les musiques, comme pour le Fantasia de 1940. nous avons longtemps cherché les airs musicaux puis nous avons demandé aux réalisateurs quelle vision ils évoquaient pour eux.

 

Quelles impressions tirez-vous de votre présence au festival ?
Je suis flatté par cette invitation, bien sûr. Et je pense que c'était une bonne opportunité de présenter Fantasia 2000, parce que ce film est plus cosmopolite que nos autres productions, plus typiquement américaines en général. Le Festival d'Annecy est peu connu en dehors du milieu de l'animation. J'en avais entendu parler il y a quinze ans, Quand Peter Schneider (directeur de Walt Disney Feature Animation) y était venu, puis il y a deux ans avec l'hommage à Joe Grant. Annecy est un endroit merveilleux, une belle galerie où l'on trouve ses frères et soeurs, parce qu'il faut être un peu fou pour faire du cinéma d'animation.

Comment Disney travaille t-il en collaboration avec d'autres studios comme Pixar ?
L'animation est un art basé sur la collaboration. Chaque projet implique beaucoup de gens et plus encore depuis l'arrivée de l'ordinateur. Nous avons compris qu'il était utile de s'ouvrir à des talents extérieurs comme Pixar. Notre accord avec eux, c'est que nous sommes producteurs et eux font le film. John Lasseter qui est le coeur et l'âme de Pixar a travaillé chez Disney. Donc, nous le connaissons. Notre travail commun est une question de confiance mutuelle. Le but est de faire un beau film. Partant de là, tout devient facile.

Cette confiance, a-t'elle aussi à voir avec celle qui lie Disney à son public ?
Oui. Voilà 60 ou 70 ans, Walt a instauré avec le public une relation de confiance que nous ne voulons pas briser. D'autre part, nous devons continuer à faire de nouvelles choses, comme Walt le faisait à chaque film. Vous ne pouvez pas être statiques en art. Il faut toujours tendre à l'améliorer, mais dans la bonne direction. Et parfois on peut commettre uen erreur. Le problème se trouve entre ces deux possibilités. Il faut éviter d'être trop téméraire. Il faut bien comprendre quand certaines histoires ont par exemple un côté sexy, risquant d'embarrasser les parents qui nous font confiance, et qui emmènent leurs enfants. (...)

Est-ce pour les mêmes raisons, que lorsque vous adaptez un conte traditionnel, comme le Petit Soldat de Plomb dans Fantasia 2000, vous apportez certaines modifications aux histoires originales ?
Au départ, nous avions concervé la fin originale où ils sautent ensemble dans le feu et fusionnent en une forme de coeur. Mais si vous écoutez la musique choisie pour la séquence, ça ne pouvait pas fonctionner. Et de un. Ensuite, chez Disney on fait des "happy ends" (rires).

Quels sont les prochains projets de Disney ? Souhaitez-vous poursuivre l'expérience Imax ?
Il est difficile d'envisager un long métrage en Imax dans l'immédiat, car il y a peu de salles dans le monde et la distribution est très chère. Nous tenterons peut-être l'expérience de ressortir l'un de nos films sur écran Imax, comme La Belle et la Bête ou Aladdin. Quant à nos prochains films, à Noël sortira (aux Etats-Unis) Emperor's New Groove, une satire à propos d'un empereur stupide transformé en lama, puis pour les étés 2001 et 2002, Atlantis et Treasure Planet, réalisé d'après l'Ile au trésor par Ron Clements (la Petite Sirène), sans oublier le prochain film de Pixar, Monster Incorporated, prévu pour Noël 2001.

Propos recueillis par Stéphanie Billeter et André Joassin.