Frise animationRyoga Online

La Prophétie des Grenouilles La Prophétie des Grenouilles de Jacques-Rémy Girerd
En production - sortie prévue à Noël 2003
"Le premier long métrage de Folimage"

Illustration préparatoire (2000) Folimage termine la production de son premier long métrage. L'événement est d'autant plus historique que ce nouveau long métrage est le premier intégralement réalisé en France depuis le Roi et l'Oiseau de Paul GRIMAULT en 1980.

La prophétie des grenouilles : il va pleuvoir continuellement sur Terre pendant 40 jours et 40 nuits. Elles décident de prévenir les humains par l'intermédiaire des jeunes Tom et Lili. L'arche de Noé est alors composée des occupants d'un zoo. Vogue la galère !

A un peu plus d'un an de la sortie du film, Folimage communique beaucoup et compte attirer la curiosité des non convertis grâce à son style maison de qualité. C'est lors du Festival d'Annecy que le studio présente chaque année son film aux professionnels. Le Festival d'un jour, festival organisé à Valence par Folimage, a été aussi l'occasion d'en montrer plus au futur public. J'ai ainsi pu découvrir quelques 20 minutes du film et être séduit par la fraîcheur dégagée par les graphismes et tout simplement l'esprit qui émane du film. La touche Folimage, il faut croire qu'elle est propre à notre belle région de Provence (de la Drôme là en l'occurence !) avec son soleil, ses couleurs, sa joie de vivre. Bon, j'arrête de m'enflammer, le film est unique, et c'est ça qui compte face aux super-productions à la chaîne !

Il est beau mon zoo ! Il est beau !Il fait bon au soleil avec tous ces sourires !

Quel succès pourrait avoir le film ? Va t-il sombrer dans les salles d'art et essai ou partir à l'assaut des salles nationales avec un grand nombre de copies ? Est-ce qu'une distribution de grande envergure fait partie des ambitions (et des moyens) de Folimage ? Pour l'instant, Folimage vient de sortir son site officiel en .com, délivre les premières photos officielles sur le site de Télérama.fr, et un grand article sur le film. Article que, par passion, je vous retranscris ici.

Richard Cornu - 21 juin 2002.

Actualisations du 1er juillet 2003 :
Le site du film est sur internet : laprophetiedesgrenouilles.com
"Le financement du film est la conjugaison des financements spécifiques au film provenant de Canal +, Studio Canal, France 2 cinéma, Rhône-Alpes Cinéma, Conseil général de la Drôme, Michelin...
La sortie au cinéma est fixée au 3 décembre 2003 et sortira partout en France dans une combinaison de plus de 300 copies par BAC DISTRIBUTION (multiplexes mais aussi salles Art et Essai).
Le film a été présenté à Cannes devant un parterre de 400 exploitants de salles, tous ravis.
Le film sera accompagné par un album édité par Milan, un roman édité par Hachette jeunesse, un disque édité par Universal et deux types d'expositions."
Remerciements à Jacques-Rémy Girerd pour ces renseignements !

Ferdinand, Juliette et Tomla mutinerie des animaux de l'arche !


Article de Bernard Génin pour Télérama n°2735 du 12 juin 2002


A Valence, le studio d'animation Folimage fignole son premier long métrage. Silence, on croque !

Depuis quinze ans, Folimage s'est fait un nom en réalisant des séries pas molles en pâte à modeler et des dessins animés futés. Les virtuoses de la palette mettent aujourd'hui en boîte "La Prophétie des grenouilles", un ambitieux long métrage 100 % made in France...

Tous les studios d'animation ont un point commun : le silence. Chez Disney, on déconseille au journaliste de parler aux animateurs pour ne pas les déconcentrer. Chez Aardman, pendant le tournage de Chicken Run, un panneau disait « Be silent as a fish » : « Soyez silencieux comme un poisson. » C'est la même impression de recueillement qui frappe quand on entre à Folimage. Vu de l'extérieur, le bâtiment ­ trois cubes de béton vitrés dans la zone industrielle de Valence ­ est parfaitement anonyme. Passé le bureau d'accueil, on découvre la grande salle des animateurs, une cinquantaine de graphistes, nez sur la table à dessin et écouteurs de Walkman sur les oreilles. On ne communique qu'à voix basse. A vue d'oeil, 25 ans de moyenne d'âge. Le patron en a le double, mais avec ses jeans, baskets et son catogan, il ne se distingue en rien de ses employés. Calme et jovial, le visage rond, Jacques-Rémy Girerd est devenu ­ malgré lui ­ un des personnages importants de la région. En créant Folimage il y a un peu plus de quinze ans, jamais il n'imaginait qu'il se retrouverait un jour à la tête d'une centaine de personnes dans un studio qui tourne à plein régime.

A la fin des années 70, il quitte Lyon pour la Drôme, abandonnant ses études de médecine et de sciences nat en compagnie de deux copains (un musicien et un graphiste). Passionnés de modelage, ils s'installent dans le sous-sol d'une « maison pour tous » (sorte de MJC) de la région et bricolent de petits films d'animation en pâte à modeler qu'ils font circuler dans les maternelles.

En 1984, ils forment une équipe d'une dizaine de personnes à Valence et se lancent timidement dans la production pour la télévision. Folimage est né. Petit à petit, le studio grandit, passe au dessin animé, et se taille une réputation de vivier d'artisans passionnés. Il y a un « ton Folimage ». On s'adresse aux petits sans bêtifier. On aborde la réalité sans détour dans des séries qui font date : Ma petite planète chérie initie à l'écologie sans ennuyer ; Le Bonheur de la vie (la sexualité clairement expliquée aux enfants) provoque la colère de quelques extrémistes. Détail important : tout est réalisé sur place. Jacques-Rémy Girerd a un principe : « Je crée ce que j'ai envie que mes enfants regardent. Tant pis si le travail est plus long et plus cher. » Bientôt, le studio récolte une cinquantaine de prix internationaux ­ dont deux césars, pour Le Petit Cirque de toutes les couleurs (1988) et pour Le Moine et le Poisson (1996) ­ et un succès en salles : L'Enfant au grelot (Cartoon d'or 1998), délicieux conte de Noël de trente minutes qui attire plus de 300 000 spectateurs. De quoi convaincre le directeur de faire le grand saut du long métrage. C'est chose faite. Parce qu'aujourd'hui une moitié du personnel travaille en sous-sol, au département « pâte à modeler », sur une grosse commande anglaise (Hôpital Hilltop, sorte d'Urgences pour rire en cinquante-deux fois dix minutes), l'autre moitié, au rez-de-chaussée, a pu financièrement se lancer sur La Prophétie des grenouilles, premier dessin animé de long métrage entièrement réalisé en France depuis plus de vingt ans. Le dernier à avoir relevé ce défi était Paul Grimault, avec Le Roi et l'Oiseau (1979).

« Pas question d'imiter les Américains, explique Jacques-Rémy Girerd, puisqu'on n'a pas leurs moyens. Notre budget sera cent fois inférieur à celui d'un Disney ou d'un DreamWorks ! Après le succès de Kirikou et la sorcière, j'ai consulté son auteur, Michel Ocelot ; son pire souvenir, c'étaient ses déplacements incessants entre différentes équipes, en Belgique, en Hongrie, au Luxembourg, en Lettonie. Et j'ai constaté que pour Chicken Run Spielberg avait accepté le regroupement du travail en Angleterre, chez Aardman. Nous, on avait déjà un studio. Alors on a décidé de tout faire sur place. Depuis, on ne rencontre qu'enthousiasme et confiance ! » Montant de l'opération : 5,34 millions d'euros (35 millions de francs). La préparation (écriture du scénario et montage financier) a duré deux ans. L'exécution a commencé en 2000 après recrutement d'une cinquantaine de dessinateurs, que l'on a répartis en quatorze équipes de trois (un animateur pour les positions clés, un assistant et un intervalliste pour les dessins intermédiaires), plus cinq décorateurs et une équipe spéciale pour scanner les dessins, ainsi que dix coloristes pour la mise en couleurs sur palettes graphiques.

Chaque séquence passe d'abord au département lay out : le chef animateur met en place les personnages sur un crayonné de décor, il décrit l'action et donne la durée du plan. Ce matin-là, une équipe se penche sur sa feuille de route du jour : « Lili a appris la mort de ses parents ; elle se jette dans les bras de Juliette. » « Il y a deux enfants dans le film, explique Jacques-Rémy Girerd, qui est à la fois réalisateur et scénariste. Tom, un petit garçon, et Lili, la fille de ses voisins. Un jour, un vrai déluge s'abat sur la campagne. Alors la maison de Ferdinand et Juliette, les parents adoptifs de Tom, se met à flotter. Quand ils recueillent les animaux d'un zoo voisin, elle ressemble bientôt à l'arche de Noé. »

Dans un coin du studio, discret, un peu à l'écart, un homme imposant et mystérieux semble isolé devant une table pleine de pinceaux et de pots de couleurs. C'est Iouri Tcherenkov, un animateur russe de 40 ans, directeur artistique du film. Il a créé les personnages, les décors, et a collaboré au scénario. A mesure que le film avance, il veille à son unité visuelle. Pour l'instant, il compare les tons de ses aquarelles originales à leur rendu sur écran, après mise en couleurs électronique. L'animation, il l'a apprise à Moscou, auprès de Youri Norstein, le génial auteur du Conte des contes. Il s'est retrouvé à Valence en 1994 pour réaliser un court métrage, dans le cadre de l'opération « La résidence des artistes », une initiative typiquement Folimage : chaque année, le studio ouvre ses portes à deux réalisateurs dont les projets ont été jugés dignes d'intérêt.

Antoine, 31 ans, vient d'entrer dans le studio, de retour d'une médiathèque où il est allé visionner des cassettes de danses rituelles. « J'anime Juliette, la femme antillaise de Ferdinand, dans une séquence où elle improvise une danse magique pour faire cesser la pluie. J'ai rapporté près de cent cinquante croquis. Le plan devait faire sept secondes, mais je vais pousser jusqu'à dix. Avec Jacques-Rémy, on jouit d'une certaine marge de liberté, on peut faire des propositions. » Lui, c'est en refusant le service militaire, il y a dix ans, qu'il s'est retrouvé à Folimage : « Le studio était agréé pour accepter les objecteurs de conscience. J'y ai effectué un service civil de deux ans et j'ai tout appris sur le tas ­- dessin, pâte à modeler... Ici, on est tous un peu polyvalents. Iouri et moi, nous serons crédités comme coscénaristes. Travailler à Folimage, c'est un choix, qui demande un petit effort sur le salaire. Il y a très peu d'écart entre les différents postes. Mais je me sens appartenir à une famille, celle de Paul Grimault, Michel Ocelot, Michael Dudok de Wit... »

A l'heure de visionner les rushes de la semaine, tout le staff du film se rend dans la salle de projection. On va vérifier la qualité des mouvements et leur adéquation avec la bande-son. De brèves séquences se succèdent, crayonnées en noir et blanc. On voit les animaux mécontents de leur nourriture comploter pour prendre le pouvoir, une grande querelle ayant éclaté entre carnivores et herbivores. Jacques-Rémy Girerd observe attentivement l'écran, s'adresse aux responsables de chaque plan : « Alain, Marion et Morten, il faut réharmoniser le personnage du renard ; il a un peu bougé en passant d'un dessinateur à un autre. Et puis, il y a un problème de "lipsync" avec le cochon de gauche : il hausse la voix et ça ne se sent pas dans le mouvement de sa bouche. » En effet, un porcelet se roule sur un tas de pommes de terre en gloussant avec la voix de Jacques Ramade : « Des patates ! Des patates ! » Ferdinand, le marin bourru qui dirige l'embarcation, apparaît avec sa barbe blanche, mi-Gabin dans Les Vieux de la vieille, mi-capitaine Haddock. Il parle avec la voix de Michel Piccoli. Girerd s'est régalé à diriger l'acteur : « Pour lui, ce travail sur un dessin animé était une première. Il a même accepté de pousser la chansonnette ! Les voix des comédiens sont capitales pour l'animateur qui doit donner vie aux personnages. Elles influent forcément sur la gestuelle. » Comment ne pas être inspiré par le duo Michel Galabru-Annie Girardot, impayables en vieux couple d'éléphants ? Ils seront animés par Michael Dudok de Wit (oscar 2001 pour Père et Fille), qui a tenu à participer à l'aventure. Pour les seconds rôles, Girerd s'est fait plaisir. Il a réussi à convaincre des artistes avec qui il se sent sur la même longueur d'onde : Luis Rego (le père de Lili), Jacques Higelin (un lion), Romain Bouteille (un loup)... Devant les rushes, chaque animateur y va de son commentaire, propose des remaniements pour améliorer le rythme... « A ce stade du film, tout est encore possible, explique le réalisateur. L'essentiel, c'est de ne pas perdre la fraîcheur des crayonnés, de bien coller aux voix. Ce serait quasiment impossible si je n'avais pas tout le monde sous la main. » La projection est finie. Retour vers les différents postes de travail.

Au mur, une inscription : « Jeudi 13 heures : concours de gâteaux chez les coloristes. »

Jacques-Rémy Girerd est satisfait. Sur les 1 050 plans du film, 600 sont en chantier, 300 sont montés, et il n'a fallu corriger que deux secondes de film, soit une quarantaine d'images. De quoi être optimiste, même si la date de sortie (Noël 2003) semble lointaine. L'animation est l'affaire des artistes patients. Et tenaces, puisqu'il ajoute en vous quittant : « J'écris déjà un nouveau projet... »

Bernard Génin